Inspiration musicale: le secret des plus grands compositeurs
Tu prends une grande inspiration. Les yeux fermés.
La composition est un acte solitaire.
Une introspection.
Tu le sais.
Alors tu t’es isolé et tu as pris soin de tout préparer pour mettre le maximum de chance de faire venir l’ inspiration musicale: tu as coupé ton portable, fermé la porte à clé et prévenu ta famille que tu ne voulais pas être dérangé pendant les prochaines 90mn.
Zen.
Carnet de notes et logiciel à l’écran, prêts à répondre à tes moindres folies expérimentales. Cette session est la 1ère d’une série qui verra naitre ton prochain EP, voire même ton album. Tu es sur-motivé.
Excellent.
Pourtant, ce ne sera pas suffisant.
Et tu vas galérer… je préfère te prévenir.
T’isoler pour te plonger dans ta créativité est la meilleure chose à faire, mais il y a un point crucial à ne pas manquer pour trouver l’inspiration.
Le secret connu des plus grands compositeurs et que les amateurs se refusent à voir en face.
La seule porte à laisser ouverte…
Inspiration musicale: L’origine de l’originalité
Flashback.
J’ai 15 ans. Je suis comme toi, passionné de musique. Fasciné par ceux qui arrivent à créer des montées qui te prennent aux tripes, ou des mélodies qui te torturent toute une journée.
Et puis un beau jour, guitare à la main, je sors de mon train-train de reprises: “j’ai une idée!”.
Une suite d’accords, la veille de la répète. Je la gratouille toute la soirée et lui trouve même une petite suite.
Incroyable: « je compose… ».
Le lendemain, je retrouve mes potes zikos aux cheveux gras et leur expose timidement mon début d’oeuvre.
Euphorie créatrice. Tout s’enchaine: mes 2 pauvres suites d’accords deviennent vite couplet et refrain entiers, puis solo, intro.
BAM. Notre 1er morceau.
Waw… la création. On en ressort tous gorgés de fierté et la perspective d’un album pétille alors dans nos 4 esprits adolescents. Ça bouillonne de joie, d’idées et de sueur dans ce bon vieux local de répètes.
Mais quelque chose me tracasse…
Cette 2ème suite d’accords, je l’ai quelque peu « emprunté » à un morceau connu. (Désolé Kurt)
Etais-ce pour ça que ça avait percuté? Etais-ce pour ça que ça avait été aussi facile?
Et si en fait je n’étais juste qu’un copieur sans talent?
Aïe…
Le début d’un long tourment.
De groupes en groupes, j’essaie d’être le maximum créatif, de trouver l’inspiration tout en évitant d’être “souillé” par ce que font les autres artistes.
Puis vient la grosse traversée du désert: quand je commence à composer seul, en 2003. 12 années de doutes et de frustration à déchirer mes débuts d’oeuvres.
En évitant soigneusement de « copier ».
En recherchant l’absolue originalité.
En me flagellant de créativité.
12 ans… je craque
Je suis a deux doigts de tout laisser tomber.
J’ai envie de tout foutre par terre et d’écraser à coups de pompes tout ce matériel MAO inutile… Ces joujoux de luxe pour grands enfants que je me suis offert pour me donner l’illusion d’être un pro. (j’aurais mieux fait d’acheter la dernière Playstation tiens, beaucoup moins prise de tête.)
Et puis je repense à tout ce que j’ai appris depuis le début: instruments, solfège, MAO, harmonie, mixage, mastering, finger drumming,…
L’idée de perdre toutes ces années d’étude et d’acharnement me crève le coeur. Sans parler de tout l’argent dépensé en matos et logiciels.
OK.
Je donne plusieurs coups de fil et prends 2,3 rendez-vous. Après plusieurs échecs, je trouve enfin exactement ce que je veux:
« je vais suivre des cours de composition particuliers ».
C’est très cher et ça ne dure que 30mn par semaine, mais c’est ma dernière chance…
La meilleure décision de ma vie de musicien
Un vrai compositeur me coache.
Même si ses interventions sont flash-éclair, ses conseils sont en or. Et entre autres, mon état d’esprit sur la créativité change en une seule phrase:
« Ecoute tes artistes préférés et relève toutes les bonnes idées: suite d’accords, mélodies, sonorités, etc».
POP
Ça saute dans mon esprit comme un bouchon de champagne.
Alors les pros font comme ça pour trouver l’inspiration musicale? Sérieux…?
Mais les résultats sont là.
Au bout de 6 mois de coaching, je le quitte avec toute ma reconnaissance. J’ai 2 morceaux finis en poche et finalement ils ne ressemblent en rien à mes inspirations.
Je fonce alors tête baissée sur mon projet, avec une vision différente de la création, une méthodologie et beaucoup de confiance en mes capacités.
7 mois après, je sors enfin mon 1er EP.
La libération.
L’année suivante, un album voit le jour.
Plus rien ne peut m’arrêter.
Conseil gratuit pour ceux qui se croient des créateurs divins
L’inspiration musicale… cette idée nous fait dire pas mal de conneries.
Sur les forums et groupes Facebook, certains se hérissent à l’idée qu’une oeuvre puisse tirer ses origines d’une ou plusieurs autres.
« S’inspirer de suites d’accords déjà faites par d’autres? mon Dieu quelle honte. Si tu ne sais pas créer seul, par toi-même, avec tes propres idées et la sacro-sainte théorie musicale, alors tu ne mérites même pas de composer. »
Ce genre de propos, plus ou moins nuancé, revient souvent.
Je ne leur en veux pas — je pensais comme ça aussi.
Oser s’inspirer des autres pour progresser
Il faut arrêter de se voiler la face.
Tout le monde s’inspire de tout le monde, consciemment ou non. Et ça ne s’arrête pas à la musique: ça concerne tous les domaines créatifs.
Voici les meilleurs témoignages. Il y en a beaucoup d’autres.
Les plus grands ne cachent pas qu’ils s’appuient sur les briques déjà posées par leurs prédécesseurs. C’est comme ça que la musique vit et évolue au cours du temps.
Pourquoi alors amputer notre créativité en évitant de s’appuyer à notre tour sur eux?
Tu vas me dire, oui, mais entre s’inspirer et copier il y a une différence…
Bien sûr.
Je ne te demande pas de tout recopier mécaniquement, mais d’accepter que ton propre « son » sera teinté des oeuvres que tu admires. (que tu le veuilles ou non)
Le paradoxe est là: accepter l’influence des autres pour devenir original.
Et tu le fais déjà.
Inconsciemment, tu vas prendre des petits bouts d’idées de musiques qui t’ont marqué et les assembler pour en faire une musique bien à toi: une suite d’accords, la façon d’écrire un type de mélodie, une structure, etc.
Bien souvent, tu ne t’en rends même pas compte.
(allez, ça t’es jamais arrivé de faire une compo et de réaliser après coup que c’était sous influence de telle ou telle musique?)
Alors pourquoi ne pas le faire consciemment?
Voici une manière de s’y prendre:
- Choisis 5 morceaux que t’aimes bien.
- Ecoute-les et note 3 détails pour chaque (accords, structure, transition, type de mélodie, son particulier, etc)
—> Tu as maintenant 15 idées pour construire ta nouvelle composition. Mais cette fois-ci tu en es conscient.
Essaie. Tu verras que la compo qui en découlera ne ressemblera à aucune des 5. Elle sera juste le fruit de tes goûts et de ta personnalité.
Maintenant, tu peux aussi refuser cette idée en bloc…
Se couper du reste du monde
Tu peux continuer à penser que tu es un créateur divin qui n’a besoin d’aucune influence extérieure. T’enfermer dans ta cave ou te retirer sur le mont Fuji pour trouver l’inspiration au fond de toi et rien qu’à toi.
Sache juste que tu ne vas en tirer que de la frustration.
1- Tu tomberas très souvent sur une idée déjà conçue par quelqu’un d’autre.
–> structure, suite d’accords, etc.
2- Tu utiliseras toujours un système musical crée par quelqu’un d’autre.
–> gammes, construction d’accords, etc.
3- Tu utiliseras toujours des techniques et instruments développés par d’autres.
–> Synthèse, sampling, scratching, jeu sur instrument.
A rechercher le “100% original”, non seulement tu vas échouer, mais en plus tu vas vite t’épuiser et te décourager. L’effet inverse. Une lente mise à mort.
Crois-moi. J’ai fais cette erreur et elle m’a couté cher.
Compose en acceptant d’avoir des influences. Tu fais partie d’un tout. Tu fais partie d’un monde plein d’interactions. Nourris-toi de ce bain d’idées et apporte ensuite ta propre couleur à l’ensemble.
Tout fonctionne comme ça dans la nature.
- Les plantes poussent sur le terreau d’autres plantes.
- Les anciennes idées d’inventions ouvrent des portes aux nouvelles.
- Les enfants intègrent le savoir de leurs parents et font avancer leur génération encore plus loin
La création se nourrit de la création.
Comprend-le et tu composeras bien plus efficacement. Sans complexes inutiles.
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme- Lavoisier (Père de la chimie moderne)
Ton rôle en tant que compositeur
J’ai fais cette erreur.
J’ai longtemps cru que s’inspirer, c’était « tricher ». Que c’était « copier ».
Il n’y a rien de plus faux.
S’inspirer, c’est « l’origine »: le point de départ de l’originalité.
Si tu veux composer de la musique, c’est que tu as sans doute été touché par d’autres artistes. Et tu as tellement aimé ce qu’ils faisaient que tu veux à ton tour nous transporter avec ton art et ta propre sensibilité.
Tu es prêt à t’y consacrer corps et âme car tu sais très bien l’enjeu que cela représente.
Tu l’as pleinement vécu.
Tu as déjà expérimenté cette force.
La musique est un des arts les plus puissants. Le seul qui t’immerge entièrement, faisant vibrer chacune des cellules de ton corps. La musique influe sur notre énergie, nos émotions et nos pensées.
Alors maintenant tu veux le faire vivre à d’autres, avec tes propres oeuvres. Toi aussi tu veux nous toucher, nous faire bouger ou bouleverser nos croyances.
Et tu y arriveras…
…si tu t’appuies sur le travail de tes Maitres et prédécesseurs. Sur les artistes que tu admires.
Apprend un maximum d’eux.
Analyse et comprend leurs schémas.
Nourris-toi de toutes leurs influences, fais les passer par tes tripes, ton coeur et tes mains et révèle-nous ton art à travers eux.
Des oeuvres originales. Bien à toi. Et qui à leur tour impacteront d’autres personnes. (*)
Inspire.
Expire.
(*) C’est pour moi un des aspects les plus importants du bonheur: Contribuer aux autres tout en faisant quelque chose qui nous passionne. (petit encart « développement personnel »)
Laisse-moi tes impressions sur le sujet dans les commentaires, histoire qu’on continue la discussion…